Impact des taxes sur l’argent mobile en Afrique

Les taxes sur l’argent mobile en Afrique affectent l’inclusion financière et les comportements des utilisateurs. Depuis 2013, 12 pays africains ont introduit des taxes sur ces services, avec des impacts variés : baisse de l’utilisation chez les populations vulnérables, réduction des transactions et changements dans les habitudes financières. Voici les points clés à retenir :

  • Kenya : Taxe progressive (jusqu’à 12 %). Résultat : -15 % de transferts familiaux, mais +9 % pour les produits d’épargne.
  • Ouganda : Taxe directe (1 %, ajustée ensuite). Résultat : -23 % de comptes actifs, retour à l’argent liquide (+17 %).
  • Cameroun : Taxe forfaitaire (0,5 %). Résultat : seulement 0,8 % des recettes fiscales, mais forte réduction des transactions mobiles.
  • Ghana : Taxe hybride (1,5 %). Résultat : -30 % de transactions, opposition publique notable.

Comparatif rapide :

Pays Type de taxe Impact principal
Kenya Progressive (10-12 %) Réduction des transferts, hausse des épargnes
Ouganda Directe (1 %, ajustée) Forte baisse des utilisateurs et retour au cash
Cameroun Forfaitaire (0,5 %) Faible revenu fiscal, hausse des transactions en liquide
Ghana Hybride (1,5 %) Réduction des transactions, opposition publique

Les modèles hybrides et progressifs semblent les plus prometteurs pour équilibrer recettes fiscales et accès aux services financiers. L’exemption des petites transactions (<10 $) et une réallocation claire des revenus pourraient limiter les effets négatifs.

Taxing mobile money in Africa: The Good, The Bad and The Ugly

1. Kenya

Le Kenya, souvent reconnu pour son rôle de précurseur dans l’argent mobile grâce à M-Pesa, a instauré un système de taxation progressive sur les services financiers mobiles. Le gouvernement a initialement imposé une taxe d’accise de 10 % sur les frais de transaction, augmentée à 12 % en 2018, tout en relevant la taxe sur le temps d’antenne de 10 % à 15 % [6].

Ces mesures fiscales ont influencé les comportements des utilisateurs. Par exemple, les transferts intra-familiaux ont chuté de 15 %, avec un impact particulièrement lourd sur les populations les plus vulnérables [2]. Parmi les ménages gagnant moins de 2 dollars par jour, l’utilisation régulière des services d’argent mobile a diminué de 31 %, contre seulement 12 % pour les ménages à revenus plus élevés [2][5].

Indicateur Avant la taxe Après la taxe
Croissance du réseau d’agents 15 % par an 2 % par an
Transactions < 10 $ Base de référence -18 %
Adoption des produits d’épargne Base de référence +9 %

Ces taxes ont ralenti la progression de l’inclusion financière. Bien que le Kenya affiche un taux de pénétration des services financiers mobiles de 78 % [1], la croissance de cette inclusion a baissé de 4 points après 2013 [2]. En revanche, l’adoption des produits d’épargne a augmenté de 9 %, montrant un changement dans les habitudes des utilisateurs.

Un comportement notable est l’augmentation des transferts en bloc, préférés aux petites transactions fréquentes, une adaptation directe à la hausse des coûts liés à la taxation [2].

Cependant, ces taxes représentent moins de 1 % des recettes fiscales totales du pays [6], soulevant des interrogations sur leur pertinence en tant qu’outil fiscal. Ce dilemme entre maximisation des recettes et promotion de l’inclusion financière met en lumière les tensions analysées dans cet article.

Cette approche diffère de celle de l’Ouganda, où les taxes visent directement les utilisateurs finaux, offrant un contraste intéressant.

2. Ouganda

L’Ouganda a mis en place une taxe directe sur l’argent mobile. En 2018, le gouvernement a introduit une taxe de 1 % sur toutes les transactions d’argent mobile via l’Excise Duty Amendment Act. Cette taxe s’appliquait aux transferts, dépôts et retraits [4].

Les conséquences ont été immédiates. Le nombre de comptes actifs d’argent mobile est passé de 34 millions à 26 millions entre 2018 et 2019, tandis que les transactions en espèces ont augmenté de 17 % [4]. Le réseau d’agents a également diminué de 11 %, touchant particulièrement les zones rurales [4].

Indicateur 2018 (Avant taxe) 2019 (Après taxe) Variation
Valeur des transactions 8,6 milliards $ 6,5 milliards $ -24 %
Comptes actifs 34 millions 26 millions -23 %
Utilisateurs d’argent mobile 58 % (2017) 49 % (2020) -9 %

Face aux protestations et à une baisse de 30 % des transactions signalée par MTN Uganda, le gouvernement a ajusté sa politique en 2019. Les nouveaux taux étaient les suivants :

  • 0,5 % sur les retraits entre 10 000 et 35 000 UGX
  • 1 % pour les montants au-delà de 35 000 UGX
  • Exemption pour les montants inférieurs à 50 000 UGX [4]

"Les taxes sur l’argent mobile en Ouganda ont créé une charge régressive qui a particulièrement impacté les femmes et les utilisateurs ruraux." – ICTD Research Brief [8]

Les données de la Banque mondiale montrent que l’inclusion financière n’a pas progressé. Les paiements numériques des micro-entreprises ont chuté de 31 % [4].

Les chercheurs de GSMA ont noté une forte "élasticité fiscale" en Ouganda : chaque augmentation de 1 % des taxes entraîne une baisse de 2,3 % des volumes de transactions [4]. Ce cas met en lumière le dilemme entre la recherche de revenus fiscaux et les effets sociaux négatifs, un problème fréquent dans plusieurs pays africains.

Ces résultats diffèrent du modèle camerounais qui s’appuie davantage sur…

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3. Cameroun

Après 2020, le Cameroun a introduit une taxe forfaitaire de 0,5 % sur toutes les transactions mobiles, adoptant une méthode similaire à celle de la Tanzanie, plutôt que les approches utilisées au Kenya ou en Ouganda [3][5].

Au lieu de suivre les modèles kényan ou ougandais, le Cameroun a opté pour un système où les opérateurs collectent directement les prélèvements [3][4]. Cependant, cette taxe n’a rapporté que 0,8 % des recettes fiscales du pays, bien en dessous des 3,2 % attendus [7].

"La taxation disproportionnée reflète une incompréhension des écosystèmes d’argent mobile et risque de compromettre les progrès en matière d’inclusion financière" – Recherche Vodacom [1]

Le Cameroun fait face à plusieurs défis majeurs :

  • Un secteur informel qui représente 90 % de l’économie, selon l’INS en 2023 [8].
  • Une augmentation de 22 % des transactions en liquide en 2023 [9].
  • Un impact marqué sur les populations vulnérables : 68 % des utilisateurs occasionnels ont réduit leurs transactions après 2022 [10].

Les données révèlent que même des frais de transaction modestes peuvent décourager l’utilisation parmi les groupes les plus fragiles [2][5]. Ce modèle camerounais met en lumière les dilemmes auxquels de nombreux pays sont confrontés lorsqu’ils tentent de concilier la collecte de recettes fiscales avec l’inclusion financière.

À l’inverse de cette stratégie, le Ghana a mis en place un modèle hybride qui…

4. Ghana

Le Ghana applique un modèle hybride avec son e-levy, une taxe initialement fixée à 1,75 % puis réduite à 1,5 % après des ajustements [4]. Cette taxe cible particulièrement le secteur informel, qui représente 85 % de l’emploi dans le pays [4]. Contrairement à l’approche du Cameroun, où les opérateurs prélèvent les taxes, le Ghana impose directement les utilisateurs finaux.

Ce modèle, basé sur un pourcentage comme au Kenya, a dû être modifié face à une forte opposition publique. Le taux initial de 1,75 % a ainsi été revu à la baisse [8].

Les effets sur le système financier numérique sont notables :

Indicateur Impact Observé
Volume des transactions Réduction de 30 % des transactions rapportée par MTN Ghana, selon GSMA [1]
Inclusion financière Menace de recul, en particulier pour les groupes vulnérables

L’expérience ghanéenne a révélé plusieurs obstacles majeurs liés à la mise en place de ces taxes sur l’argent mobile :

  • Mise en œuvre technique désorganisée
  • Forte opposition populaire
  • Effets régressifs confirmés par des données : 68 % des utilisateurs gagnent moins de 5 $ par jour (Banque mondiale, 2023)

Ces défis soulignent un problème clé : comment maximiser les recettes fiscales sans nuire à l’inclusion financière.

Avantages et Inconvénients

L’étude des politiques de taxation de l’argent mobile en Afrique montre un mélange d’effets positifs et négatifs.

Aspect Points positifs Points négatifs
Revenus gouvernementaux Permet de financer des projets publics (comme l’hydroélectricité en Tanzanie) [4] En Tanzanie : chute de 38 % des transactions mensuelles [10]
Inclusion financière Les montants élevés des transactions sont maintenus [2] Baisse de 57 % de la fréquence des transactions chez les ménages pauvres, contre 34 % chez les plus aisés [2]
Impact économique Augmentation de la base fiscale formelle [4] Réduction des réseaux d’agents et retour à l’utilisation du cash informel [4]

Les résultats varient selon la région et la maturité des marchés. Par exemple, les pays d’Afrique de l’Est, avec une expérience plus longue, disposent de données plus détaillées, ce qui permet de mieux évaluer les approches efficaces.

Certaines solutions émergent, inspirées notamment des modèles hybrides du Ghana et du Cameroun. Une taxation ciblée sur les services premium, comme le système progressif du Kenya, pourrait être une bonne option pour préserver l’inclusion financière tout en générant des revenus [1]. Les experts préconisent également d’exempter les petites transactions (moins de 10 $) afin de protéger l’accès aux services financiers [5].

Des ajustements, comme ceux réalisés en Ouganda après la mise en œuvre, montrent l’importance d’adopter des modèles flexibles qui garantissent l’accès des populations vulnérables.

Ces observations ouvrent la voie à une analyse des tendances principales à venir.

Principaux Constats

L’étude des quatre modèles nationaux met en lumière un défi central : concilier la génération de revenus avec l’inclusion financière. Les données révèlent une baisse de 31 % de l’utilisation des services chez les populations vulnérables, en particulier dans les zones rurales [2][3].

Deux approches principales émergent pour établir une taxation plus équilibrée :

  • Préserver l’inclusion financière : Cela inclut l’exemption des transactions inférieures à 10 $ et l’adoption de barèmes progressifs. Par exemple, le Kenya applique une tarification basée sur le montant des transactions [8][11].
  • Assurer une allocation claire des recettes : Les fonds générés doivent être explicitement réinvestis dans les infrastructures numériques. L’Ouganda illustre bien cette pratique en utilisant ces revenus pour soutenir le développement digital [4].

Ces stratégies, inspirées des modèles kényan, ougandais et ghanéen, montrent l’importance d’une approche progressive et transparente. Le Cameroun, avec sa structure tarifaire ajustée en fonction de la taille des transactions [3], souligne également la nécessité de tenir compte des spécificités locales.

Les modèles hybrides semblent être les seuls à maintenir un équilibre entre revenus et inclusion financière. Les ajustements réalisés au Kenya et en Ouganda en sont des exemples probants [4][8].

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Ecrit par Arnaud Makanda

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